Entretien fantastique avec Bonne de Bourbon

Par l’infini et au-delà, la princesse Bonne de Bourbon nous a contacté·e·s expressément. Suite à l’interview choc de sa belle-fille, Bonne de Berry, la comtesse souhaite faire connaître sa version des faits. Elle nous confie en exclusivité sa signature : magnifier sa descendance et régner en tant que femme au Moyen Âge…

 

Propos recueillis par Lise Leyvraz Dorier

BIO EN BREF

 

vers 1340 Naissance

1355 Mariage par procuration avec Amédée VI de Savoie

1355  Arrivée de Bonne en Savoie

dès 1356 Naissance de quatre enfants dont le futur Amédée VII qui va se marier avec Bonne de Berry en 1377

1366 Régence de Bonne de Bourbon organisée par son époux

1383 Décès d’Amédée VI et régence de Bonne de Bourbon

1391 Décès d’Amédée VII et poursuite de régence de Bonne de Bourbon

1391-1393 lutte pour garder la régence contre Bonne de Berry

8 mai 1393 Renonciation aux droits de régence sur la Savoie

30 octobre 1393 Mariage du comte Amédée VIII avec Marie de Bourgogne

1402 Décès

Votre Altesse, quel honneur de nous solliciter pour un entretien inédit ! Vous voulez réagir aux propos de Bonne Berry, l’épouse de votre fils, Amédée VII.

Bonne de Bourbon : C’est exact. Oui, je sais ce que ma bru vous a narré. Cela fait plus de 600 ans qu’elle se répand en invectives diffamatoires contre moi et qu’elle les crie sur les échauguettes…
Le médecin de mon bien-aimé fils aurait avoué sous la torture que j’aurais commandité son empoisonnement. Fichtre ! Vous y croyez, vous… un scélérat qui tentait de fuir la Savoie, face à une mère modèle comme moi !
La vérité, c’est que ma belle-fille fut jalouse de ma personne et il y avait de quoi ! Nous parlons d’une jeune damoizelle qui voulait tout révolutionner… la pauvre ! J’ai presque eu pitié d’elle.

Maintenant si l’on pouvait plutôt parler de sujets intéressants… comme mes régences par exemple…

 

Certainement, on va y venir, Ma Dame. Il s’avère aujourd’hui que votre fils serait décédé des suites d’une blessure advenue lors d’une chasse au sanglier. L’Histoire va dans votre sens.

Mais franchement, qui en doutait ? Tssss… Avec Bonne, je dois tout de même dire qu’au début, nous avons passé de bons moments ensemble, notamment au château de Chillon : autour d’un bon verre de Clos de Chillon, dans la chambre boisée, celle réservée aux dames de Savoie ainsi qu’à la chapelle Saint-Georges, dans la plus pure dévotion…
Ensuite, il y a eu des jalousies et le drame :

  • Le nombre de chevaux, par exemple. J’en possédais 9 tandis que Bonne n’en avait que 4.
  • J’avais un colombier. Elle a surenchéri avec un guépard… qui a failli dévorer la volaille, le garde-volaille et mes colombes chéries de Ripaille, pour l’anecdote ! J’ai donc dû lui expliquer gentiment que le fauve était trop dangereux pour le garder avec nous.
  • Enfin, Amédée, mon bébé, a passé de vie à trépas en 1391 (sanglots étouffés) et c’est tout naturellement qu’il m’avait nommée administratrice et tutrice de mon petit-fils, Amédée VIII. Le pauvre orphelin n’avait alors que huit ans. J’ai donc repris la régence, que, soit dit en passant, mon fils m’avait laissé à ses 24 ans passés, lorsque son propre père – et donc mon époux – est décédé. CQFD, je poursuivais mon rôle et servais la famille de Savoie grâce à ma vision stratégique et légitime. Point !

En somme, si on résume votre rôle, vous avez enfanté et puis régné pendant une trentaine d’années…

Oui, ce furent mes deux missions sur terre. Premièrement, mon époux, Amédée VI de Savoie, et moi-même sommes allés à l’abbaye de Saint-Claude, environ un an après notre mariage – célébré fastueusement en 1355 –, pour favoriser l’arrivée de notre premier enfant. Deuxièmement, j’ai pris l’initiative de faire édifier une statue de cire à mon image, qui a été placée en offrande à la Vierge dans la cathédrale de Lausanne. Elle a bien évidemment contribué divinement à faire procréer un héritier mâle. Troisièmement, mon mari m’a confié les rênes du pouvoir pour aller guerroyer et porter secourir à plusieurs reprises à nos alliés, tel l’Empire byzantin face aux Ottomans en 1366.

Vous aviez matché ?

Ah oui, nous nous sommes mariés par procuration et ensuite j’ai rejoint mon époux au Pont-de-Veyle… On était les meilleurs, assurément. Nos surnoms l’expriment : « Le Comte Vert » et « La Grande Madame ». Si vous regardez ma robe, elle est le parfait trait d’union entre nos deux familles alliées : les Savoie et les Bourbon.

 

Bon, est-ce que l’on ose quand même parler de votre morning routine, vite fait ?

Soit, s’il le faut. Hé bien, comme d’usage : bain aux pétales de rose avec essences de romarin et d’écorce d’orange, onguents à la lavande et au jasmin, sous fond de harpe… La musique adoucit les mœurs et renforce l’âme… Je vous confie même un petit secret… c’est moi qui ai mis cet instrument de musique céleste à la mode, en Savoie. Sinon coiffage des cheveux avec mon peigne fétiche et brossage des dents. Le tout, exécuté par mes dames de compagnie. Il va sans dire.
Bien sûr, n’oublions pas de souligner la prière quotidienne. Et non, pas de salutations au soleil.

Diriez-vous que votre image comptait plus que tout en tant qu’aristocrate vivant au Moyen Âge ?

Oui, je fus une inspiration constante. Pour preuve, s’il en faut : mon portrait, enfin mes portraits. C’est le premier carrousel de l’histoire d’IG, voyez-vous… je suis une précurseuse ou pionnière si vous préférez… comme ces ambassadrices-instagrammeuses-vlogeuses de votre époque qui s’affichent sans pouvoir décider de l’image à garder. Pour moi, ce sont les artisans qui reproduisaient mes traits si divins qu’ils s’adonnaient à plusieurs versions et ce, même post mortem.
Avec ou sans fleurs, selon vous ? Peu importe !
D’ailleurs, je n’invente rien. C’est même vous qui allez reprendre mon visage pour représenter l’avatar de votre chatbot inséré sur votre site internet ! Une vitrine mondiale, je fus et resterai…

 

Interview basée principalement sur la publication scientifique : Vies de princesses ? Les femmes de la Maison de Savoie (XIIIe-XVIe siècle).

 

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