Quel genre de duchesse étiez-vous ?
Mon père entretenait une cour qui claquait. Alors au début, j’ai dû m’y faire à l’air de la Savoie… Les Alpins sont aussi festifs que des moines en plein carême ! La bonne surprise, c’est quand le comté a été érigé en duché en 1416. J’étais l’épouse du duc Amédée VIII ! Mais ne croyez pas que j’avais attendu ça pour me faire plaisir. La chose dont j’étais la plus fière, c’était ma petite ménagerie. Au château de Ripaille, j’avais agrandi un colombier en y faisant venir des cerfs et des brebis, et même un guépard ! Du jamais vu en Savoie ! Malheureusement, je n’ai pas pu le garder bien longtemps, parce qu’il était trop dangereux…
Avec Amédée, coup de foudre ou coup de mou ?
Ni l’un ni l’autre. Il était intelligent et pas trop mal fait, mais il était souvent boooring. Le grand amour de sa vie, c’était la religion. Amédée-chou était trèèès croyant. Niveau reproduction, il venait quand il voulait un héritier. Autrement, pas touche minouche. À défaut d’être le mec le plus olé olé de la cour, il était quand même gentil. En dix-neuf ans de vie commune, on est quand même devenu proche. Après ma mort, il ne s’est pas remarié. Ça vous montre le sérieux du bonhomme. Il n’était juste pas doué pour exprimer ses émotions. Et non, il ne portait pas de caleçons aux couleurs de la Savoie, navrée de vous décevoir.
Comment occupiez-vous vos journées ?
Ma tâche principale était de donner des héritiers à Amédée-chou. J’en ai pondu neuf, dont six qui ont atteint l’âge de raison. Vous ne vous rendez pas compte comme c’est dangereux d’accoucher ! C’est même une grossesse qui a causé ma mort… Mais parlons de sujets plus joyeux. Papa m’avait donné la meilleure des éducations. Il m’avait initiée à la chasse au faucon. Galoper en suivant le rapace qui chasse, quel pied ! Quand je suis devenue princesse de Savoie, j’ai demandé qu’on me représente à cheval, portant un faucon, sur les sceaux officiels. Ça en jetait ! J’adorais aussi la musique (large sourire). Amédée-chou aimait évidemment la musique religieuse. Il avait fait venir plein de chanteurs et de musiciens à la chapelle. Moi, je jouais de l’orgue. Ça vous épate, hein ? Quand je m’y mettais, je vous garantis que ça groovait dans les travées de la chapelle.