Yolande de France, avant toutes choses, pourriez-vous nous en dire plus sur votre famille ?
Déjà, veuillez m’appeler Votre Altesse. Nous n’avons pas partagé la même nourrisse, et vous ne vous appelez pas Valois. Messire au nom germanique, c’est une chose d’être bien née, mais c’en est une autre d’être la fille et la sœur des deux rois de France qui ont bouté l’Anglois hors de nos terres et mis fin à la guerre interminable ayant opposé nos deux royaumes. Bref, par la grâce de Dieu, je vous suis en tout point supérieure.
Mille excuses, Votre Majesté. Vous avez parlé des Valois, qui ont régné sur la France. Quel bon vent vous a menée de leur cour jusqu’en Savoie ?
Mon père, le roi Charles VII, s’y était pris à l’avance pour tout arranger. Vous avez sans doute entendu parler de lui, car une petite campagnarde pas trop mal dégrossie s’était battue pour lui : Jeanne d’Arc. Il voulait un rapprochement avec la Savoie, dont les princes avaient gagné en importance depuis l’érection de leur comté en duché. C’était un très bon parti. Dès mon plus jeune âge, j’ai été fiancée à Amédée de Savoie. Le neuvième du nom, je précise, parce que dans cette famille, ils s’appellent quasiment tous comme ça. En 1436, quand j’ai eu deux ans, j’ai donc été envoyée dans la cour de sa famille pour y être élevée selon les coutumes locales.
Comment a été accueillie la très jeune enfant que vous étiez ?
Admirablement bien ! En Savoie, les futures belles filles étaient mises en valeur. Par exemple, notre habillement était le plus somptueux. En ce qui me concerne, j’avais le droit de me vêtir de bleu, la plus noble des couleurs, qui rappelait aussi ma terre d’origine. C’était une manière de souligner l’importance accordée aux futurs mariages de la dynastie. Notre éducation était elle aussi extrêmement poussée. À l’âge de six ans, on m’a appris à lire et, contrairement à l’usage le plus répandu dans les grandes cours occidentales, aussi à écrire !