Tableaux et peintures murales

Si le parcours de visite du château présente quatre tableaux et gravures en tout et pour tout, il est plus généreux en ce qui concerne les fresques et peintures murales. Plusieurs salles renferment des graffitis ou dessins au fusain, à l’exemple de la prison dont certains témoignages remontent au XIIIe siècle.

Malgré les lourdes restaurations réalisées en 1914 par le peintre Ernest Correvon (1842-1923) à la demande de l’architecte du château Albert Naef, la chapelle offre un ensemble de fresques exceptionnelles à la vue des visiteurs. Dans le corps de bâtiment adjacent, la camera domini abrite un programme savant de peintures commandées par le comte Aymon de Savoie au XIVe siècle et représentant une frise héraldique surmontée d’une ménagerie princière.

Sous la direction de Daniel DE RAEMY, Chillon : la chapelle, Lausanne : Association du Château de Chillon, 1999.
Sous responsabilité de Denis BERTHOLET, Olivier FEIHL et Claire Huguenin, Autour de Chillon : archéologie et restauration au début du siècle, Ecublens : DIP SA, 1998

Carte

LOCALISATION
Chambre bernoise, salle n°16

Carte du Pays de Vaud

Cette carte se situe sur le mur septentrional de la chambre bernoise (salle n°16). Elle représente le Pays de Vaud dans le dernier quart du XVIe siècle, alors sous domination des confédérés de la ville de Berne, avec un degré de précision relativement important.

L’auteur de la carte d’origine s’appelle Thomas Schepf. Médecin de la ville de Berne en 1565, il travaille à la description des territoires qui en dépendent. Sa tâche s’étend jusqu’en 1576, date à laquelle il reçoit l’autorisation de publier le fruit de ses observations (sa carte et un commentaire qui l’accompagne). Il ne reste que trois exemplaires de ce travail (à la Bibliothèque de la ville de Berne, à la Bibliothèque militaire de Berne et au Musée historique de Lausanne). La carte paraît à une époque où la cartographie est en plein essor. Le célèbre cartographe Ortelius mentionne le plan de Schepf dans une liste de documents parus dont il s’inspire pour son traité Theatrum Orbis Terrarum, le premier atlas moderne.
En 1925, F. Dubois, le directeur du Musée historique de Lausanne présente cette carte à l’assemblée générale de la Société vaudoise d’histoire et d’archéologie. Son intervention attire l’attention de M. Hegg, le directeur du cadastre. Constatant l’importance de ce document dans l’histoire de la cartographie vaudoise, celui-ci fait réaliser une copie d’une partie du plan de Schepf. Cette première réalisation permet de faire plusieurs tirages en héliogravure en 1930, dont celle exposée au château de ChillonTM.

Carte du Pays de Vaud (facsimilé)
1930
Héliogravure
Musée cantonal d’archéologie et d’histoire (Lausanne)
IC-19

Tableaux

LOCALISATION
Prison, Salle n°9

TABLEAUX : LA CAPTIVITÉ DE FRANÇOIS BONIVARD À CHILLON.

Issu de la petite noblesse savoyarde, François Bonivard (1493-1570) est prieur de Saint-Victor à Genève dès 1514. Il se lie rapidement au parti qui s’oppose aux visées du duc de Savoie sur la ville, ce qui conduit à son arrestation et à son incarcération au château de Chillon en 1530. Il est libéré six ans plus tard par l’armée bernoise lorsqu’elle envahit le Pays de Vaud. En 1816, le poète lord Byron fera de Bonivard un héros romantique dans son célèbre poème « Le Prisonnier de Chillon ».

Le peintre genevois Joseph Hornung (1792-1870) est l’auteur de ce diptyque qui représente la captivité de Bonivard à Chillon. Autodidacte et animé d’une grande nostalgie du XVIe siècle, il est connu pour ses tableaux historiques avec une préférence marquée pour les thèmes liés à la Savoie et à la Réforme protestante.
Les deux tableaux sont mal connus des spécialistes ; les propres héritiers de Hornung ignoraient la date de leur réalisation, voire même leur existence. Ils sont probablement à mettre en relation avec le concours de peinture d’histoire organisé par la Société des Arts de Genève en 1824 : les peintres Georges Chaix et Jean-Léonard Lugardon s’affrontent alors autour de leurs toiles respectives, représentant chacune la libération de Bonivard par l’armée bernoise. Cet évènement artistique majeur marque durablement Hornung. En outre, il peindra un « Autoportrait sous les traits de Bonivard » en 1845. Le diptyque date donc probablement du second quart du XIXe siècle.
Le premier tableau dépeint le prisonnier consolé par la fille de geôlier, tandis que le second illustre la délivrance de Bonivard par les Bernois. Hornung met un soin tout particulier à retranscrire les détails de l’architecture comme les fameuses colonnes de la prison du château, ce qui laisse à penser qu’il a vu les lieux de ses propres yeux.
Le style de ces tableaux se rapproche de la peinture des Pays-Bas, notamment dans l’emploi du clair-obscur et le contraste des couleurs vives sur un fond sombre. La composition évoque quant à elle l’Ecole Romantique Française du début du XIXe siècle, les personnages esquissant des mouvements très expressifs.
Ces tableaux ont été acquis en 2013 grâce au généreux soutien de l’Association des Amis du Château de Chillon. Pour des raisons de conservation, ils sont exposés à tour de rôle durant un an dans la prison du château.

Joseph Hornung
Épisodes de la captivité de François Bonivard à Chillon
1824-1845
Huile sur toile

Peintures murales

LOCALISATION
Camera Domini, salle n°19

Peintures de la Camera Domini

Au milieu du XIVe siècle, le comte Aymon décide de réaménager la camera domini. À cette occasion, la chambre des comtes puis ducs de Savoie reçoit un nouveau programme figuré. En 1587, le Bernois Andreas Stoss réalise de nouvelles peintures qui se superposent à celles du Moyen Âge. Restauré à plusieurs reprises au XXe siècle, le décor de la cheminée illustre l’histoire de ces transformations.

La camera domini du château de ChillonTM occupe le premier étage d’une tour dont l’origine remonte au XIIe siècle. Entre 1336 et 1338, le comte Aymon de Savoie décide de déplacer la cheminée dans l’angle nord-est afin de construire un escalier entre sa chambre à coucher et la chapelle. De 1341 à 1344, Jean de Grandson réalise de magnifiques peintures sur l’ensemble des murs de la pièce. Divisées en trois registres, elles offrent aux spectateurs la vision d’un jardin idyllique peuplé d’animaux sur un fond bleu. La composition se poursuit sur la hotte de la cheminée avec une représentation de saint Georges terrassant le dragon. L’image du saint patron des chevaliers a certainement pour but de renvoyer aux qualités morales et physiques du comte lui-même. Cette association est renforcée par la présence des croix de Savoie sur le cadre de chêne qui soutient la corniche. Le choix de la cheminée comme emplacement privilégié pour exhiber des images de pouvoir n’échappe pas aux conquérants bernois. À la fin du XVIe siècle, le bailli – gouverneur – Hans Wilhelm von Mülinen demande à Andreas Stoss d’y peindre un ours bernois, accompagné de la date « 1587 ».
Jean de Grandson (et Andreas Stoss)
Peintures sur la cheminée dans la camera domini
1341-1344 (1587 pour les armoiries bernoises)
tempera

©Fondation du Château de Chillon / © ARCHEOTECH SA

LOCALISATION
Petit salon, salle n°20 

Graffiti dit du « chevalier savoyard »

Le petit salon situé au cœur des appartements seigneuriaux (salle n°20) abrite la plus ancienne cheminée du château, construite en 1336. Celle-ci affleure un enduit mural antérieur, en grande partie recouvert de graffitis médiévaux. Le motif du « chevalier savoyard » a été gravé par une main sûre, à hauteur de poitrine sur la paroi méridionale.

La réalisation très nette du graffiti permet de décrire précisément le chevalier, monté sur un cheval bondissant et armé des pieds à la tête : il porte un heaume, un haubert couvert d’une cotte de maille, des grèves et des solerets munis d’éperons. Il tient fermement une lance dans la main droite et un écu recouvre son épaule gauche.
Sa monture est richement harnachée. La houssure qui la recouvre affiche les armoiries de la Savoie – croix blanche sur fond rouge. Les comtes, puis ducs de Savoie, sont les seigneurs de Chillon au moins dès 1150 et jusqu’en 1536.
Des recoupements stylistiques permettent de dater ce graffiti du début du XIVe siècle. En outre, il ne s’agit pas d’une création originale mais d’une reprise iconographique du sceau équestre du comte de Savoie Amédée V, seigneur de Chillon de 1285 à 1323. Le graveur a néanmoins apporté quelques modifications à son modèle : le cheval n’est plus lancé au galop mais lève ses pattes avant, arrondit son encolure et abaisse sa tête dans un mouvement de charge, tandis que le chevalier ne tient plus une épée dans la main gauche, remplacée par une longue pique. La composition perd donc en panache mais gagne un port altier aux formes équilibrées.

Graffiti dit du « chevalier savoyard »
1300-1325
Incision sur enduit

LOCALISATION
Prison, salle n°9

Croix de la prison

Entre 1897 et 1899, en fouillant la prison du château de ChillonTM, l’archéologue Albert Naef excave et ouvre des meurtrières qui avaient été murées durant le XIVe siècle. Sur le badigeon de la septième, il découvre des « croix de consécration ». Ces motifs étaient peints, gravés ou sculptés sur les murs, colonnes ou piliers des églises au moment de leur « dédicace », une cérémonie visant à les rendre saintes et dévolues à Dieu.

Naef trouve dans les comptes de Chillon que l’une des meurtrières a été scellée en 1388 et date les croix du XIVe siècle également. Sans parvenir à trancher, il associe leur présence à deux événements survenus dans le château à cette période. Le premier est le massacre des Juifs de Villeneuve en 1348, en pleine épidémie de peste, accusés d’empoisonner les fontaines. A Chillon, le peuple extrait une quarantaine de Juifs qui y sont incarcérés et les bat. Ils sont ensuite conduits sur la place du village et, sans aucun procès, hommes, femmes et enfants sont brûlés sur plusieurs bûchers construits au bord du lac. Le second événement est la recherche d’un basilic, un monstre craint pour son souffle empoisonné et ses capacités de pétrification, en 1379. Les sources mentionnent qu’il était recherché dans la « crota », c’est-à-dire un trou ou un sous-sol en ancien patois local, sans plus de précision. La localisation exacte de la crota ne fait pas l’unanimité parmi les archéologues. Naef la situe aussi dans l’une des tours de défense de la forteresse, de l’autre côté du site. Dans les deux cas, la présence de croix de consécration symboliserait la purification de la prison.

LOCALISATION
Salle des armoiries, salle n°18

Peinture murale du "Bern-Reich"

Cette peinture se situe au-dessus de l’entrée de la salle des armoiries (salle n°18). Commandée par le bailli – gouverneur – bernois Hans Wilhelm von Mühlinen, elle exprime en effet les privilèges reçus par les citoyens de Berne de la part du Saint Empire romain germanique dont leur ville faisait encore partie au XVIe siècle.

Sur la peinture, deux écussons bernois soutiennent l’aigle bicéphale symbolisant le Saint Empire romain germanique. Cette composition iconographique très spécifique porte le nom de Bern Reich, soit « empire de Berne ». La ville jouissait en effet d’un privilège hérité du Moyen Âge qui s’appelait « l’immédiateté impériale ». Accordé par l’empereur, il permettait de ne pas être assujetti à d’autres seigneurs et de dépendre directement de lui pour la fiscalité et la justice.
De part et d’autre se trouvent deux lions, symboles de la famille des Zähringen, les fondateurs de Berne. Celui de gauche porte une épée et celui de droite un orbe crucigère, deux attributs de l’autorité. Ils soulèvent une couronne au-dessus de l’aigle impérial pour exprimer avec force les droits de la ville.
Sous les écussons bernois figurent les initiales et les armoiries du bailli Hans Wilhelm von Mühlinen, à savoir une roue de moulin. Commanditaire de la peinture en 1586, celui-ci souhaitait représenter son prestige personnel et la légitimité de Berne dans la région.
L’indépendance de la Confédération par rapport au Saint Empire ne sera reconnue qu’en 1648, à la fin de la guerre de Trente Ans. Pourtant, Berne continuera à faire peindre des Bern Reich jusqu’à la fin du XVIIe siècle.

Andreas Stoss
Peinture murale du Bern Reich
1586
Peinture polychrome

LOCALISATION
Prison, salle n°9

Dessin de la Crucifixion

En 1842, le célèbre écrivain français Victor Hugo publie un recueil de ses carnets de voyage intitulé « Le Rhin », dans lequel il décrit un dessin qu’il a observé dans la prison du château de Chillon au cours de sa visite en 1839. Il l’attribue à Michel Cotié, compagnon du prisonnier politique François Bonivard au début du XVIe siècle : « Rien ne reste de lui [Cotié] que quelques dessins charbonnés sur le mur. Ce sont des figures demi-nature qui ne manquent pas d’un certain style ; un Christ en croix presque effacé, une Sainte à genoux avec sa légende autour de sa tête en caractères gothiques, un Saint Christophe […] et un Saint Joseph. »

Datée du XVe siècle, cette Crucifixion se trouve sur la paroi sud de la prison, dans un petit espace enclavé surnommé « croton » ; ce dernier faisait office de chapelle pour les prisonniers au Moyen Âge. Il est attesté dès 1386 dans les sources manuscrites.
Au centre, le Christ en croix est entouré de la Vierge et de saint Jean. À droite de Marie, on trouve également sainte Catherine, tandis que Jean est flanqué à sa gauche de saint Christophe portant l’enfant Jésus et de saint Antoine l’ermite. Des attributs et des noms inscrits dans des phylactères permettent de tous les identifier.
En 1899, l’archéologue Albert Naef et son équipe examinent de près les différentes figures représentées autour du Christ en Croix. Ils en concluent que les dessins ont été réalisés par différentes mains – des prisonniers – à diverses époques. Toutefois, leur qualité et leur homogénéité réfutent cette hypothèse : il est inconcevable que des captifs aient pu produire ces dessins dans l’obscurité. D’autre part, les historiens de l’art ne décèlent ni plusieurs mains, ni plusieurs époques. La présence d’un écu de Savoie, même s’il n’est plus guère lisible, mène à penser que ce dessin serait plutôt le résultat d’une commande de la Maison de Savoie destinée aux condamnés à mort.
En effet, la présence des saints s’explique par leurs pouvoirs consolateurs : sainte Catherine est la patronne des vierges et des mourants, saint Christophe, protecteur de la mort sans confession, et saint Antoine protège du feu de l’enfer.

Dessin de la Crucifixion
XVe siècle
Craie grasse noire

LOCALISATION
La chapelle, salle n°24

Peintures de la paroi occidentale de la chapelle : le Jugement Dernier.

Lors d’une campagne survenue entre 1914 et 1916, l’archéologue Albert Naef et le peintre Ernest Correvon décident de terminer la restauration des peintures de la chapelle en s’attaquant à la paroi occidentale dont les peintures médiévales avaient été quasi intégralement détruites. À partir d’un maigre indice original, ils choisissent de recréer une peinture symbolisant un Jugement Dernier. 

Datant du XIVe siècle, les peintures sont organisées autour de la figure du Christ.
Les fresques du plafond représentent des personnages de l’Ancien Testament de la lignée terrestre du Christ ou des prophètes ayant annoncé sa venue. Cet ensemble se clôt avec Jean le Baptiste, faisant la transition avec le Nouveau Testament. Sur la paroi orientale, des peintures murales représentent l’annonce faite à Marie de sa maternité. Les murs septentrionaux et méridionaux évoquent le Nouveau Testament. Ils sont lourdement repeints.
La paroi occidentale est la plus détériorée. Un maigre fragment de peinture originale subsiste sur la gauche, représentant la tête d’un ange. Suivant une lecture chronologique, Naef et Correvon choisissent d’y représenter un « Jugement Dernier », la fin des temps selon le christianisme. Ils copient une peinture se trouvant dans le narthex de l’abbatiale de Romainmôtier. Mais au cours du XXe siècle, les chercheurs écartent cette hypothèse. La présence d’un ange renvoie selon eux à une Ascension du Christ au ciel, à un Christ en Majesté avec un cortège d’anges symbolisant la résurrection ou à un Couronnement de la Vierge après que celle-ci soit montée au ciel. En l’état actuel, la question n’est pas tranchée.

Ernest Correvon
Peintures de la paroi occidentale de la chapelle : le Jugement Dernier
1914-1916
Peinture polychrome

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