Yvan Becker, lors de la soirée de la Nouvelle mise en lumière par Romande Énergie à Chillon par L. Ryser
Depuis 2011, la Fondation du Château de Chillon a réalisé un nouvel éclairage de son édifice millénaire. En partenariat avec Romande Energie, elle a lancé un concours et les deux institutions ont choisi des concepteurs de lumière renommés pour cette vaste entreprise. Baptisé Le château miroir, ce concept s’intègre harmonieusement au cadre naturel de la forteresse la plus visitée de Suisse. Yvan Becker, responsable du groupe projets éclairage de Romande Energie Services SA, a fait partie du comité de pilotage et s’occupe au quotidien du bon fonctionnement des projecteurs et spots lumineux. Il y en a environ 200 qui ont remplacé 40 éléments anciens. Cela a permis de réaliser d’importantes économies d’énergie, grâce à un matériel efficient. Yvan Becker nous explique quel est cet univers lumineux, fascinant et parfois méconnu.
Lise Leyvraz Dorier
Le projet choisi de Jean-François Arnaud, Jean-Claude Deschamps et Thibault Arnaud, s’appelant Le château miroir utilise un éclairage qui respecte la nature du monument historique. Ce concept a pour philosophie d’« éclairer dans l’ombre » en mettant en valeur et en harmonie la scénographie de l’île (ndlr. le château est construit sur une plateforme insulaire naturelle d’où il tire son nom « Chillon » qui signifie « plateforme rocheuse » en ancien patois) et notamment les contrastes. Au niveau de la lumière, une seule couleur, le blanc, chaud ou froid, révèle la structure sans la dénaturer. Par exemple, des projecteurs éclairent l’eau côté douves ou côté terre sur les murs millénaires et le reflet de l’eau vient créer de petites vaguelettes. Cela vaut la peine de s’arrêter un soir pour le découvrir ou le redécouvrir. A l’intérieur du château, des lanternes de style ancien et faites sur mesure par un ferblantier viennent donner une touche de rouge, couleur emblématique du drapeau des ducs de Savoie et du drapeau suisse. Elles rappellent l’ambiance des torchères. Ces lanternes agrémentent les cours et les tours carrées. Pour tout mettre en place, il a fallu tirer 5 kilomètres de câbles électriques en toute discrétion.
Yvan Becker ajustant des spots pour la Fondation du Château de Chillon © FCC
Il est vrai que les conditions patrimoniales du monument sont un réel défi. Avec mon équipe, on a dû passer des câbles par des endroits incroyables en respectant la devise du « zéro trou ». Tout est visuel et il faut faire attention à tout l’immobilier. Une seule exception : dans la cuisine professionnelle attenante à l’Aula Magna, il n’y avait pas d’autre solution que de créer un mini-sas d’entrée pour l’électricité avec carottage mais sans eau… bien sûr ! C’est un travail d’équilibriste mais tellement exceptionnel ! Se retrouver à 7heures du matin tout en haut du donjon et pouvoir contempler le panorama exceptionnel du lac, des montagnes et des cours intérieures est un sentiment unique. C’est wow ! J’ai de magnifiques photos.
Oui, un phénomène reste encore mystérieux pour moi. Un projecteur posé sur un triangle côté Montreux vers les douves est alimenté par un câble d’un endroit que je n’ai encore jamais de mes yeux vu… Il passe donc à l’intérieur du château dans la camera domini caché à côté de la chapelle mais est impossible à voir car il s’est fait tellement discret qu’on ne peut que le deviner… Il doit être à cet emplacement car la lumière fonctionne très bien et pas par magie !
Éclairage des 3e et 4e cours
© FCC Sébastien Staub
Pour moi, c’est toujours excellent de voir les coulisses des monuments et en plus de ce lieu si emblématique. Je me sens privilégié et vois quelques pièces que le public ne peut pas voir. J’adore les châteaux en général et voir les modifications qui changent la vie mais pas l’architecture. Une fois, avec mon équipe, on a travaillé de nuit et on a fait une pause pour manger un petit quelque chose. On avait décidé de se faire livrer et avait indiqué lors de la commande de venir sur l’ancien pont-levis où il y a la caisse. Il a fallu répéter et assurer au livreur le lieu et que ce n’était pas une blague !
